Une approche « Zéro oxygène » sans moyens sophistiqués

De Le Wiki du Brassage Amateur
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Cet article est basé sur une expérience personnelle et vise un lectorat de brasseurs à la maison qui ne disposent pas de moyens sophistiqués tels qu'une alimentation en CO₂ ou un fermenteur sous pression.

Il explique comment pratiquer la clarification par le froid, le houblonnage à froid et la mise en bouteille en n'exposant pas la bière à l'air libre (sauf peut-être pour les dernières bouteilles).

Comment se pose le problème ?

Une oxygénation de la bière après la fermentation produit une oxydation de cette dernière qui engendre à la fois un changement de couleur et l'apparition d'un goût de carton mouillé. Il a fallu que je conserve ma bière un peu plus longtemps qu'à l'accoutumée pour prendre pleinement conscience de ce phénomène. Il est donc recommandé d'éviter des contacts prolongés de la bière avec l'air ambiant. Un contact limité durant la mise en bouteille ne devrait pas avoir trop de conséquences puisqu'une durée très courte se traduira par une absorption limitée nécessaire par ailleurs à la refermentation du sucre de carbonation. Il en va autrement si le contact est prolongé, par exemple durant la clarification par le froid et la phase de mise en bouteilles.

Quand la bière est-elle exposée à l'air ambiant pendant une durée significative ?

Lors de la clarification par le froid

Après que le moût a été initialement oxygéné et ensemencé, la fermentation produit du gaz carbonique. Le fermenteur monte en pression et l'air initialement enfermé est chassé à travers le barboteur. La quantité de gaz carbonique produite avoisine les 400 litres (à la pression atmosphérique) pour un brassin de 21 litres. Très rapidement, le barboteur ne laisse plus passer que du gaz carbonique pratiquement pur. Durant la fermentation la température a tendance à s'élever, voire à être volontairement augmentée pour favoriser la réabsorption des sous-produits de fermentation par les levures. Si partant de la fin de fermentation on cherche à clarifier la bière par le froid, le gaz carbonique contenu dans l'espace de tête, et la bière elle-même vont se contracter créant ainsi une dépression. De l'air extérieur va rentrer dans le fermenteur par le barboteur qui fonctionne alors à l'envers. Ceci est la première cause d'oxygénation de la bière.

Lors du houblonnage à froid

Si on décide de pratiquer une houblonnage à froid, on va devoir ouvrir le fermenteur pour y plonger les houblons. Ceci est la deuxième cause d'oxygénation de la bière.

Lors de l'embouteillage

Lors de l'embouteillage, qui peut durer une heure selon la technique employée, le fermenteur duquel on soutire de la bière aspire de l'air. Cet air se mélange avec le gaz carbonique et entre en contact avec la bière. C'est la troisième cause d'oxygénation.

Les remèdes

Tout d'abord : une idée reçue à évacuer

Il est fréquent d’entendre que le CO₂ étant plus lourd que l’air, ce dernier va rester en bas et former une couche protectrice. J’ai longtemps cru à ce mythe jusqu’à ce que je visionne cette vidéo

Il s’agit du phénomène de diffusion qui fait totalement fi de la pesanteur.

Cette diffusion n’est cependant pas instantanée, ce qui permet de penser qu’ouvrir son fermenteur un court instant par un orifice limité ne fera entrer qu’une petite quantité d’air. Petite certes mais malgré tout gênante surtout si c’est après la fin de la fermentation.

Alors les remèdes

Le remède à la cause numéro 1 ci-dessus est d'empêcher l'air de rentrer dans le fermenteur au moment du refroidissement. La solution à ce problème a été trouvé – et est commercialisée par le site brewhardware.com sous le nom de Cold Crash Guardian (protecteur de clarification par le froid). J'en expose le principe plus bas et comment le fabriquer soi-même si, comme ça a été le cas pour moi, vous ne pouvez vous le procurer.

Le remède à la deuxième cause (houblonnage à froid) est de ne pas ouvrir le fermenteur. Nous verrons aussi la solution que j'ai apporté à ce problème.

Le remède à la troisième cause (embouteillage) est de n'ouvrir le fermenteur qu'au dernier moment (les trois derniers litres) en profitant au maximum du dispositif protecteur de la première cause et en utilisant une solution de sucrage adaptée

Principe du protecteur de clarification par le froid

Cold-crash-guardian.png

Le fichier ci-après présente le principe du protecteur. Il consiste à utiliser une vessie (ou récipient) souple qui sera complètement dégonflé préalablement à la fermentation. Au départ on ferme la vanne d'entrée de ce récipient. On attend que du gaz carbonique se soit dégagé et que l'air dans l'espace de tête et les tuyaux soit remplacé par ce gaz. Sachant que la fermentation d'une vingtaine de litres produit près de 400 litres de gaz, je conseille d'attendre au moins une demi-journée après que le barboteur a commencé à faire des bulles. Passé ce laps de temps, on ouvre la vanne pour que le récipient souple ait le temps de se remplir. Pendant le remplissage, le barboteur ne fait plus de bulles car le récipient souple est à la pression atmosphérique et que la pression de l'autre côté du clapet anti retour est égal à la somme de trois pressions:

  • la pression atmosphérique
  • la pression créée par la colonne d'eau du barboteur (1 mbar par centimètre)
  • la pression minimum nécessaire à l'ouverture du clapet lorsque les pressions de part et d'autre sont égales (5 mbars environ).

Une fois que le récipient souple ne peut plus se dilater, le barboteur se remet à faire des bulles.

Quand on commence à refroidir pour la clarification par le froid, la bière et le gaz carbonique se contractent et comme le clapet anti-retour empêche toute entrée d'air, le récipient souple, soumis à la pression atmosphérique, se dégonfle ou s'aplatit.

Dimensionnement du protecteur de clarification par le froid

Pour faciliter la lecture de cet article, nous allons nous placer dans une situation type à savoir un brassin de 20 litres dans un fermenteur de 30 litres et une clarification par le froid entre 28 °C et 5 °C. Il appartiendra au lecteur d'adapter les calculs à son cas de figure.

Lors de la clarification par le froid, il y a au moins trois raisons pour que l'air entre dans le fermenteur:

  • la contraction du gaz carbonique de l'espace de tête
  • la contraction de la bière
  • la réabsorption du gaz carbonique par la bière

Contraction du gaz carbonique de l'espace de tête

L'espace de tête est l'espace libre au-dessus de la bière. Dans notre situation type, il mesure donc 10 litres.

La loi de Charles nous dit qu’à pression constante (ici environ la pression atmosphérique)

V1/T1 =V2/T2 relation dans laquelle V1 et T1 sont respectivement le volume du gaz à l’état 1 et T1 sa température en degrés Kelvin. Idem pour l’état 2.

Ici T1= 28 °C soit 301,15 K

et T2=5 °C soit 278,15 K

Si V1 est le volume de l’espace de tête à 28 °C soit 10 litres

V2=V1*T2/T1=10 * 278,15 /301,15= 9,236 litres

La contraction du gaz contenu sera d’environ

0,76 litres (à pression constante)

Contraction de la bière

Si on admet en première approximation que la bière se contracte de 4% entre 100 °C et 20 °C.

La contraction sera ici de 4 % /80*(28 -5) =1,15 %

Soit 20 litres * 1,15 % = 0,23 litres

Réabsorption du gaz carbonique par la bière

À 28 °C le CO₂ résiduel est de 0,67 volumes

À 5 °C le CO₂ résiduel est de 1,32 volumes

L'écart est donc de 0,65 volumes

Lors du refroidissement la bière va réabsorber le CO₂ pour retrouver l'état d'équilibre à 5 °C.

Si la réabsorption était totale cela ferait un volume réabsorbé de 0,65 * 20 litres = 13 litres.

Selon certaines sources (dont je n’ai pas encore pu vérifier la crédibilité), le retour à l’équilibre lors d’une clarification par le froid prendrait environ 3 semaines et on aurait, suivant un loi exponentielle, les chiffres de réabsorption suivants (valeurs exprimées de jour en jour) :

6%, 11%, 16%, 20%, 23% , 26% et 29%

Si la clarification par le froid dure 7 jours, on réabsorbera donc 29% * 13 litres soit 3,77 litres


Contraction totale

0,76 + 0,23 + 3,77 = 4,76 litres

On pourrait penser qu'un récipient souple de 5 litres suffit. La réponse est oui si on se contente de la protection lors de la clarification par le froid.

Néanmoins, si on veut ne pas ouvrir le fermenteur lors de l'embouteillage, il faut prévoir un volume égal à celui de la bière soutirée. Les contractions ne sont pas à prendre en compte si on laisse le fermenteur se réchauffer (et dégazer) avant cette mise en bouteilles.

Réalisation pratique

Comme je l'ai dit, je n'ai pas réussi à acheter ce produit. Je l'ai donc réalisé par moi-même.

Les composants

Récipient souple

Je me suis procuré un " cubitainer souple de 20 litres chez Pearl

Bidon-pliable2.png

Attention ce produit n’est pas excessivement souple mais il n’a pas d’odeur et semble sain. Quand je l’ai reçu il était très froid et dur. Je l’ai laissé reposer une journée et il s’est un peu ramolli. Il faut d’abord le déplier à la main sans y introduire d’eau puis le plier en sortant au maximum deux faces latérales opposées puis faire pression vers l’intérieur sur les deux autres faces latérales de façon à former un X. Ensuite on écrase le tout par le dessus avec les avant-bras. On insiste pour bien le vider et on referme le robinet. Pour éviter le retour d’air, on peut brancher un bout de tuyau sur le robinet avec le clapet antiretour au bout. À la fin, il aura tendance à faire une sorte de X mais le volume résiduel restera cependant très faible; juste un peu au niveau des pliures. De plus lors du remplissage, l’air résiduel aura tendance à diffuser et se diluera dans le CO₂ expulsé.

Si quelqu'un trouve quelque chose de plus souple, ça m'intéresse bien sûr.

Par ailleurs, n'oubliez pas de repérer les positions ouvert et fermé du robinet.



Clapet anti-retour

Clapet.png

Ce clapet fonctionne à merveille.

Tés en laiton

Tés.png

Ces tés en laiton achetés chez Amazon permettront le raccordement facile des tuyaux en silicone.

Bouchons

Bouchons.png

Quelques bouchons en caoutchouc pour les obturations. En pratique je n'ai eu besoin que des petits.




Houblonnage à froid sans ouverture du fermenteur

Dry-hopping-aimants.png

L'idée est de placer le houblon dans l'espace de tête dès le début de la fermentation. Cela suppose bien sûr que le fermenteur soit nettement plus grand que le volume de bière. Il faut aussi pouvoir maîtriser la durée de houblonnage et l'instant du houblonnage. Des expériences diverses et récentes ont montré que la meilleure solution était un houblonnage à basse température (en dessous de 5 °C pendant une durée d'environ 1 jour). Pour plus d'information sur le sujet, je renvoie le lecteur au livre de Scott Janish "The New IPA" et à cet article du même auteur.

Pour maîtriser les instants de l'immersion du houblon et de son retrait, la solution consiste à placer ce dernier dans des sacs maintenus au travers de la paroi du fermenteur par des aimants. Cela ne devrait pas poser de problème avec un fermenteur en plastique et n'en pose pas non plus avec un fermenteur en acier amagnétique tel que le fermenteur Brew Monk de 30 litres.

Il faut bien sûr que les aimants soient dimensionnés en conséquence. Il suffit alors de les faire glisser vers le bas pour commencer le houblonnage puis de les remonter en fin de houblonnage. Bien penser également à laisser de la place dans le sac, le houblon absorbant 8 fois son poids en eau.





Sucrage

La question de la non ouverture du fermenteur se pose également lorsqu'on doit ajouter le sucre de carbonation.

J'ai résolu le problème en achetant ce doseur de liquide. Ma canule de soutirage étant assez volumineuse, elle laisse un vide assez grand dans le goulot des bouteilles. Avec le doseur j'injecte 15 ml de sirop préalablement bouilli ce qui m'amène à environ 2 cm du haut de la bouteille. Autrement dit : « parfait  ».

Stérilisation

Afin d'éviter de faire entrer de l'eau dans les tuyaux et dans le récipient souple (ce qui pourrait engendrer des moisissures à terme), j'ai placé l'ensemble tuyaux et récipient souple dans le réfrigérateur. J'y ai également placé une lampe de stérilisation à UVC que j'ai allumé pendant 15 minutes environ.

Attention : les UVC sont invisibles et n'éblouissent pas mais vous détruisent l'œil en un rien de temps. Fermez toujours le local (ou le réfrigérateur dans ce cas) avant d'allumer la lampe (utilisez une rallonge par exemple), et éteignez la lampe avant d'ouvrir à nouveau. Évitez également de regarder la porte car il peut y avoir des fuites de lumière là ou passe le câble (invisibles je le répète).

Première expérience

Lors de cette première expérience je n'ai pas pu tester le houblonnage à froid n'ayant pas encore reçu les aimants.

J'ai cependant pu fermenter et embouteiller en ouvrant le fermenteur qu'aux dix dernières bouteilles (sur un total de cinquante). Je les boirai donc en premier bien qu'elles ne risquent pas trop d'avoir été oxydées compte tenu du volume de tête rempli de CO₂ et donc d'une pression partielle de l'oxygène relativement faible ainsi que d'un temps limité.

Il faut dire que, mon garage étant très froid (autour de 13 °C) je n'ai pu réchauffer totalement le fermenteur et le récipient souple avant l'embouteillage. Si j'avais pu réchauffer jusqu'à 20 °C, je pense que j'aurais pu tout soutirer sans ouvrir.


Bidon-pliable1.png Voici le récipient souple complètement aplati.

Ballon-après-cold-crash-annoté.png

Cette image correspond à l'état du système après le cold crash, juste après que je l'ai sorti du réfrigérateur. Juste avant le clapet, il y a un té dont l'entrée est raccordée au tuyau venant de la sortie du fermenteur, dont une sortie va vers le vase de barbotage (tuyau plus fin en partie masqué par un câble de sonde thermique) et l'autre sortie vers le récipient souple.

Après réchauffage (jusqu'à 13 °C le récipient souple se sera notablement regonflé), jusqu'à ce que la mise en bouteille le dégonfle à nouveau.

Note : on remarquera que les tuyaux ont une longueur importante. Cela permet de manipuler le fermenteur tout en attrapant facilement le récipient souple et de placer ce récipient souple là où le permet la configuration de réfrigérateur.


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