Guide des descripteurs sensoriels de la bière/Trouble

De Le Wiki du Brassage Amateur
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Détecté dans : L'apparence.

Décrit comme : Trouble, brumeux, brouillard, opaque, turbide, levuré, voilé

Concentrations typiques dans la bière : n/a.

Seuil de perception : n/a.

Numéro dans la roue des saveurs de la bière : n/a.

Commentaires : Le trouble est causé par de minuscules particules en suspension dans la bière. Il existe cinq types de trouble :

1. Le trouble biologique (alias trouble bactérien ou de levure) : causé par des micro-organismes en suspension.

2. Le trouble d'oxydation : trouble formé lorsque les composés protéiques de la bière s'oxydent. Avec un vieillissement suffisant, un voile d'oxydation se formera éventuellement dans toutes les bières.

3. Trouble de pectine : trouble causée par la pectine en suspension (polysaccharide) provenant des fruits. On ne la trouve que dans les bières aux fruits.

4. Trouble de protéine (alias trouble à froid ou de tannin) : causé par les protéines de haut poids moléculaire (en provenance du malt) et les polyphénols (qui viennent des écorces et du houblon) qui forment un complexe et commencent à précipiter. Il est particulièrement visible lorsque la bière est refroidie à 12 / 13°C ou moins, puisque le refroidissement accélère la vitesse à laquelle les particules se lient ensemble.

5. Trouble d'amidon (alias trouble permanent) : causé par les glucides de grand poids moléculaire, y compris les bêta-glucanes, en suspension dans la bière.

Pour éviter ou contrôler le trouble

1. Filtration : Une "filtration piège" de 10-20 microns élimine la plupart des sédiments et des cristaux de glace (voir note). Un filtre de 3 à 5 microns élimine les levures mortes et la plupart des particules d'amidon et de houblon, ce qui donne une clarté éclatante. Un filtre d'un micron élimine les particules de levure et de trouble dû au froid. Un filtre de 0,65 à 0,5 micron élimine la plupart des bactéries. Le filtre de 0,2 micron élimine toutes les bactéries.

Note : avant conditionnement il est courant dans les grandes brasseries, surtout nord-américaines mais pas seulement, pour les bières destinées aux marchés de masse, de réfrigérer la bière précisément jusqu’à son point de givre. Les premiers cristaux de glace se forment autour des impuretés de la bière qui servent ainsi de points de nucléation. On obtient dès lors des particules plus grosses. Juste avant que la bière ne gèle complètement, la bière est rapidement filtrée. Les conséquences sont des produits parfaitement limpide ("star bright" selon l’expression américaine) et une très légère augmentation du taux d’alcool. Aux Etats-Unis, on trouve régulièrement ces bières avec la mention "ICE" qui constitue de facto un "style" à part.

La technique ci-dessus est aussi utilisée pour clarifier les boissons de style bière comme le hard-selzer.

2. Garde à froid : Un temps de garde à froid prolongé peut aider la levure à sédimenter et permet aux protéines ou aux traces d’amidon qui coagulent à des températures plus basses de précipiter. Le lagering est un conditionnement à froid à ~0°C pendant 2 semaines ou plus.

3. Collage : Tous les clarifiants nécessitent au moins 50 mg/l de calcium dans l'eau pour fonctionner. La plupart fonctionnent en attirant électrostatiquement les particules en suspension vers les particules du matériau de collage, formant ainsi de plus grosses particules qui précipitent plus rapidement.

A) Clarifiants d’ébullition : Ils aident à coaguler les protéines de la cassure à chaud, responsable d’un trouble protéique (trouble à froid) et de l'instabilité de la saveur. Tous agissent en coagulant les protéines. Les produits typiques à l’ébullition sont : Irish Moss ou Mousse d'Irlande (algue séchée - Chondrus Crispus - à 50-150 mg/l), ProtoflocTM (ajouté à 30 mg/l), carraghénine (une gomme utilisée dans la production alimentaire - dérivée d'algues. La mousse d’Irlande en contient naturellement), et Whirlfloc TM (20-60 mg/l). Tous sont ajoutés à raison d'environ 1 cuillère à café ou comprimé/19 litres dans les 15 dernières minutes de l'ébullition du moût.

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B) Clarifiants en fermenteur ou à froid : Ajouté vers la fin de la période de maturation (phase tranquille de la fermentation, ou "fermentation secondaire") ou ajouté au fût (pour les ales conditionnées en cask). Utilisé pour éliminer les troubles dus à la levure, aux protéines, aux polyphénols ou à l'amidon. Le collage est souvent conditionné sous forme de poudre et doit être réhydraté à l'aide d'eau chaude stérilisée. Ils mettent du temps à agir - au moins 25 heures. Les floculants de levure courants sont :

1. l'ichtyocolle ou Isinglass (collagène séché obtenu à partir de vessies natatoires séchées de poissons, historiquement l'esturgeon ou la morue, maintenant diverses espèces de poissons de la mer de Chine méridionale. Ajouté à 1-3,5 mg/l à 5-13°C)

2. la gélatine de brasserie (ajoutée à 60-90 mg/l - pas aussi efficace que l'ichtyocolle)

3. le PolyclarTM ou PVPP (minuscules perles de polyvinyl pyrrolidone - plastique) est un liant polyphénolique utilisé pour éliminer le trouble dû au froid (6-10 g/19 litres).

4. Le gel de silice est un liant protéique utilisé pour éliminer le trouble protéique (généralement ajouté à 1-3,5 mg/l).

4. Autres méthodes : Selon le type de trouble et le style de bière, d'autres méthodes peuvent fonctionner :

A) Trouble biologique : Souche de levure (certaines levures ne floculent pas bien). Augmentez le temps de maturation. Utilisez des méthodes d'hygiène appropriées pour éviter toute infection bactérienne ou par des levures sauvages. Affinez en utilisant des collages à froid (voir ci-dessus). Utilisez des enzymes protéases comme la papaïne.

B) Trouble d'oxydation : Évitez l'aération du moût et de la bière, sauf à l’inoculation de la levure. Stockez la bière à une température fraîche. (5-13°C).

C) Trouble de pectine : N'exposez pas les fruits ou les jus de fruits frais à des températures supérieures à 76°C. Ajouter de la papaïne ou une enzyme pectinase si nécessaire.

D) Trouble protéique :

Modifiez la composition du grain : Utilisez du malt à faible teneur en protéines. Limitez l'utilisation de grains riches en protéines (p. ex. blé, seigle, avoine). Utilisez des céréales d'appoint pour réduire la teneur globale en protéines de la mouture.

Utilisez un repos protéique (45-55°C), particulièrement dans le cas d’une forte quantité de céréales non maltées

Évitez l'extraction des polyphénols et des tannins. Ne pas trop broyer les grains pour éviter d'introduire dans le moût des particules d'enveloppe riches en polyphénols et en tannins. Ne sur-rincez pas le moût (pH supérieur à 5,8, densité relative inférieure à 1,008). Ne chauffez pas le moût au-dessus de 76°C. Ne chauffez pas les grains ou les fruits riches en tannin, les herbes, les épices ou les ajouts végétaux à plus de 76°C. Faites recirculer (vorlauf) le moût jusqu'à ce qu'il soit clair pour éviter de transporter des particules d'écorce dans la marmite.

▪ Ayez une bonne cassure chaude. Faites bouillir le moût pendant au moins une heure à gros bouillons. Utilisez des clarifiants à chaud(voir ci-dessus)

▪ Séparez bien la cassure à chaud du moût clair afin d'éviter que les résidus ne soient transportés dans le fermenteur. Les brasseries commerciales utilisent parfois une filtration ou un hopback pour y parvenir.

▪ Refroidissez rapidement le moût pour précipiter la cassure froide. Idéalement, la température devrait passer de l'ébullition à moins de 37°C en 30 minutes.

▪ Séparez correctement la cassure froide du reste du moût afin que les résidus ne soient pas transportés dans le fermenteur. Cependant, une certaine quantité de cassure à froid dans le fermenteur est nécessaire pour la santé de la levure.

▪ Utilisez des collages à froid dans la cuve de maturation, comme décrit pour le trouble biologique. La papaïne peut décomposer les protéines, mais son action est indifférenciée et peut affecter le corps de la bière et la rétention de la mousse.

▪ Augmentez le temps de maturation à froid.

▪ Servez la bière à des températures supérieures à 12°C.

En cas de trouble persistant, utiliser une solution de tannins qui, en se complexant avec les protéines, les fera décanter. En amateur, on peut utiliser du thé noir bouilli et très tiré (tout le contraire de ce qu’on cherche pour un thé agréable à boire), à raison de 0.5 % (1 décilitre pour un brassin de 20 litres)

Les techniques de clarifications vinicoles (blanc d’oeuf ou sang de boeuf défibré) sont aussi adapté à la bière

E) Trouble d'amidon :

▪ Utilisez du malt de haute qualité (moins de bêta-glucanes).

▪ N'écrasez pas trop les grains pour éviter d'introduire des particules d'amidon dans la bière. Éviter tout broyage de l’écorce. Vous pouvez aussi légèrement humidifier votre grain – 1 à 2 % d’eau par rapport à la masse de grain – avant de le passer au moulin

▪ Utilisez un repos de bêta-glucane pendant le brassage (42-45°C pendant 15 min.).

▪ Améliorer la technique de brassage. Augmentez la durée du brassage pour assurer une conversion complète de l'amidon. S'assurer que la température du moût est dans la bonne fourchette pour une conversion optimale de l'amidon (~63-70°C), en vérifiant aussi que le pH est dans la bonne plage. Testez la conversion complète de l'amidon avant de procéder à l'empâtage. Faites recirculer le moût (vorlauf) jusqu'à ce qu'il soit clair (pour éviter de transporter des particules d'amidon dans la cuve).

▪ Certains brasseurs utilisent l'enzyme amylase dans la cuve de fermentation ou de maturation, mais cela pose problème car l'amylase finira par détruire tous les amidons de votre bière, pas seulement les bêta-glucanes.

Quand attend-on une clarté brillante ? La clarté brillante est attendue dans : Les lagers légères, la pilsner allemande, la pilsner de Bohème, les lagers ambrées, la cream ale, la blonde ale, la Kölsch, l'altbier d'Allemagne du Nord, l'altbier de Düsseldorf, les ales écossaises.

Quand le trouble est-il approprié ? La question de savoir si le trouble est approprié dépend du type de trouble et du style de bière :

• Trouble biologique : Généralement un défaut, sauf dans les bières allemandes de blé ou de seigle servies "mit hefe" (avec la levure réveillée). Un léger trouble biologique est acceptable dans les lambics purs (non mélangés).

• Trouble à froid : Le trouble dû au froid est acceptable pour les barleywines.

• Trouble d'oxydation : Jamais approprié.

• Trouble de pectine : Jamais approprié.

• Trouble d'amidon : Un trouble léger à extrême dû à des particules de blé ou de seigle en suspension est approprié pour les bières de blé ou de seigle américaines, les bières de blé et de seigle allemandes et les witbières belges. Un léger trouble dû à l'amidon est acceptable pour la saison, la bière de garde, le lambic pur (non mélangé) et la bière brune forte belge (?).

Article connexe : Trouble